Ça vous vient d’où ? [HS]

Par un étrange coup du sort, je me suis retrouvé derrière ma chère frontière, à discuter d’un hypothétique travail, qui se concrétisa bien vite en véritable contrat, de rédacteur web pour un blog d’une grosse pépinière en ligne dans un pays actuellement en pleine guerre civile. Enfin, d’après Facebook… Mais non, pas la Syrie ou le Venezuela, la France tout simplement…

Et, parlant de choses et d’autres, voilà que surgit soudain cette bien curieuse question de la part de mon futur patron : « D’où vous vient votre passion des plantes ? »

J’avoue que je n’y avais jamais réfléchi avant que l’on me pose cette étrange question. J’étais clairement dans l’embarras pour répondre. Et je tentai une petite diversion –  « oh mon dieu, le feu là-bas, c’est horrible ! »- pour me laisser le temps de trouver une réponse satisfaisante.

Je me plongeai alors dans mes souvenirs aussi loin que je puisse aller sans me faire hypnotiser au préalable (ndlr : « Le Préalable » est un bistro dans lequel on peut se faire hypnotiser dans l’arrière boutique par Dédé, un routier, moyennant une ou deux bières).

Premier Acte

Lorsque j’atteins péniblement l’âge d’un mètre et quinze centimètres, je lisais déjà beaucoup de roman d’aventures dont pas mal de péripéties imputées à un solide gaillard, un petit français noir de cheveux et aux yeux gris acier flanqué d’un énorme écossais alcoolique et radin (pléonasme!). Dans l’une de ces histoires, notre héros en vient à rencontrer un bonhomme mystérieux en chaise roulante. Cet énigmatique personnage avait la fâcheuse habitude de laisser batifoler « Aïcha », sa panthère, dans une gigantesque serre tropicale. Bien que tout s’enchaîna très rapidement dans ce roman, ne laissant aucun répit au lecteur, je restai pour ma part figé sur le décor du premier chapitre : une serre tropicale.

Ficus et Calathea, Monstera et Alocasia, en passant par les Philodendron et les Zamioculcas, … Tout ce petit monde que je n’avais qu’à peine entraperçu dans un livre poussiéreux emprunté à la bibliothèque du coin me laissait rêveur. Et muni désormais d’une folle idée et d’une sourde allégresse, j’entrepris d’énoncer mon émoi et mon dessein à mes géniteurs : « Papa, maman, je veux une plante verte ! » Le tout à un âge où d’aucuns réclament un chat, un poney ou tout simplement une girafe. Mes parents furent surpris, certes, mais ne tentèrent pas de me dévier de ce choix si singulier. Après tout, une plante verte restait quand même moins onéreuse et moins encombrante qu’une girafe. Et nous voilà tous les trois lancés corps et âmes dans le rayon « plantes d’intérieur » d’une grande surface, duquel je ressortis avec une fierté non feinte et une charmante Spathiphyllum wallissii. Que j’entrepris dès notre retour de choyer de mes petits soins jusqu’à ce que je me rende compte que lui donner de l’eau environ toutes les 17 secondes n’était pas la meilleure idée de l’année…

Acte II

La maison de mon enfance, sorte de ruine non chauffée et non isolée, humide et mal odorante, était fort heureusement munie d’une grande cour et de deux jardins. Le premier était voué à la pelouse et à la haie mitoyenne de thuyas, à peine égayé par un pseudo-cerisier du Japon, qui m’apparaît désormais avec le recul comme un probable mirabellier… Tandis que le second, dont nous récupérâmes l’entretien lors d’une débandade du précédent jardinier qui en avait la charge, fût selon le désir de mon père voué à la production vivrière. Mais surtout des haricots ! Pleins. Partout. Tout le temps.

Mais il me concéda tout de même une partie de son champs de haricots. Et malgré ses suppliques – « tu es sûr de ne pas vouloir semer des haricots, il m’en reste encore une palette ou deux… » – je me lançai dans la réalisation d’une mini-mini-mini-prairie fleurie. Bien que je n’avais encore aucun idée de ce qu’était une prairie fleurie à l’époque… Encore une fois, je les avais littéralement soufflé par ce choix si particulier. Mes parents étant persuadés que j’aurais planté des légumes, comme tous les enfants de mon âge… (enfin, selon eux!). J’avais surtout était subjugué par l’emballage d’un simple paquet de semences « mix fleurs annuelles » dont la photo exhibait sans modestie une explosion de floraisons multicolores et opulentes :  jaune, rouge, bleu, verte, … et tout le reste du cercle chromatique. Et contre toute attente, la photo était contractuelle ! En effet, quelques semaines seulement après avoir semé mes fleurs, je découvris non sans étonnement et admiration (pour moi-même!) ma propre explosion de couleur, encore plus belle que sur l’emballage.

Acte III

A dix-huit ans, on n’a pas d’idée. Sur rien. C’est pas qu’on est idiot ou inconséquent. C’est surtout qu’on s’en fout… Ce n’est clairement pas l’âge pour choisir ou décider quoi que ce soit. Par conséquent, on ne sait pas ce qu’on veut faire plus tard (enfin si : RIEN !). Mais… muni d’un diplôme inutile de secondaire générale option sciences-math, il fallait bien que je me décide de me lancer dans des études supérieures au risque de me retrouver avec un aller simple pour le chômage. Oui mais quoi ? Instit ? : je n’aime pas les gosses (paradoxalement, eux m’apprécient…) ! Infirmier ? Vous me voyez aider les gens ? Du littéraire alors ? Je ne me suis jamais entendu avec les profs de français, ce n’est pas pour devenir comme eux ! De l’histoire alors ou l’archéologie ? On a dit : « trouver un travail plus tard » ! Tiens, c’est quoi cette brochure ? Blablabla – agronomie – blablabla – biochimie – blablabla – agro-industries – blablabla – bière – … Bière ? Et mais ça a l’air cool de faire de la bière ! Allez, je m’inscris.

Et me voilà parti pour cinq années de cours dans une haute-école d’agronomie. Des cours, tous plus intéressants les uns que les autres d’ailleurs. Non, non, aucune ironie dans cette phrase, j’ai réellement apprécié d’apprendre tout le savoir que les professeurs ont bien voulu me prodiguer. Et surtout… la botanique ! Un gros cours celui-là. Près de… Oulà, pas assez d’heures finalement… Étrangement mes camarades ne semblaient pas partager mon euphorie d’Hermione Granger (pour ceux qui ont la référence…).  Beaucoup d’entre eux étaient fils d’agriculteurs et n’étaient là que pour tenter d’obtenir leur diplôme (la plupart n’y sont jamais arrivés…), d’autres encore semblaient être tombés là encore plus « par hasard » que moi et certains encore tentaient une reconversion après une humiliation universitaire. Même l’un d’entre eux n’y avait vu que le bar de l’association d’étudiants et les bacchanales qui s’y déroulaient. Inutile de préciser qu’on ne le voyait jamais en cours. Une belle brochette de bras cassés quand on y pense…

Mais moi, ça me passionnait. Et je m’agaçai même de me rendre compte que non content de ne pas s’intéresser à la botanique théorique (ni à aucune autre matière dispensée d’ailleurs), mes collègues n’étaient en rien emballés par la pratique non plus. Bien qu’eux avait tous du « terrain », tandis que moi je vivais alors dans un minuscule appartement en pleine ville sans même un balcon : « Quoi ? faire le jardin ? Non, j’m’en fous moi… Laisse-moi tranquille, je n’ai pas encore finit ce fût de bière… » (ndlr : cette phrase a été prononcée par un étudiant en… horticulture)

Épilogue

Quoi qu’il en soit, j’avais été tellement frustré de ne pas pouvoir jardiner durant une longue période de dix années que sitôt mon premier contrat signé et ce, malgré les mises en garde des mes proches, j’entrepris l’acquisition d’une demeure mal chauffée et mal isolée, humide et sentant le moisi (tiens, ça me rappelle quelque chose…) mais… avec un grand jardin dans lequel je pourrais tenter un peu tout ce que je voudrais : potager, verger, ornement, cornus, … euh… autres ? Et j’en suis là… Avec un jardin tout jeune et en chantier depuis quatre ans, qui n’en fait un peu qu’à sa tête, je ne m’en rends compte que maintenant. Mais c’est bon, j’ai compris, jardin ! Je ne planterai plus que ce que tu aimes… (zut, mon jardin aime les roses !) Il suffisait de me le dire… Pour l’instant, ce jardin ne ressemble à rien. Comme vous pouvez vous en douter en si peu de temps. Mais il avance… non pas à mon rythme mais au sien… Et je ne désespère pas qu’en cent ou deux cent ans, il devienne un jour présentable. Une histoire de passion et de patience…

C’est fou ce qu’une simple question peut faire resurgir comme souvenir. Surtout quand on ne se l’était jamais posée… Si Henri Vernes, l’auteur des Bob Morane, se doutait qu’il avait fait naître la passion du jardinage à un enfant, il en tomberait de sa chaise… (et se casserait surement quelque chose car il a dépassé le centenaire, le bougre!) Mais est-ce simplement cette unique déclencheur ou alors étais-je déjà programmé à la naissance ? Est-on vraiment influencé par notre entourage et notre passé ou naissons-nous tous directement avec nos propres goûts et nos choix personnels ? Difficile à dire. Après tout, je n’ai que ma propre expérience pour tirer une quelconque conclusion. Mais justement…

Vous qui me lisez. Oui, vous ! : d’où vous vient cette passion du jardinage et de la botanique ? Quel a été le point de départ de votre passion débordante, dispendieuse et chronophage ? Vous êtes vous déjà posé la question ? Ou même pour d’autres passions d’ailleurs. Je suis curieux de vous lire… Étonnez-moi, amusez-moi, régalez-moi de vos anecdotes ou vieux souvenirs ! Même les moins avouables…

Dites-moi tout !

ALLARD Olivier

Auteur : NatureLupineblog

Je rouspète, je râle,… sur le jardin, sur la nature, sur les gens,… Bref je dis pleins de choses sur mon blog mais toujours avec humour et avec passion

14 réflexions sur « Ça vous vient d’où ? [HS] »

    1. je lui ai donné une version résumée… 🙂 Geoff Hamilton et son vieux pull, tu m’en avais déjà parlé. Je n’ai jamais vu ses émissions mais je vais faire un tour sur youtube pour en retrouver (en plus ça me fera réviser mon anglais).

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  1. La question : qu’es-ce qu’on mangeait dans nos régions avant la découvertes des amériques ? … d’accord c’est de l’etnobotanie, mais quand même … et puis acheter un très beau jardin avec comme bonus une petit maison mal chauffé, mal isolé et sentant le moisi

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  2. Salut Olivier !!
    Je pense qu’en ce qui concerne le jardinage il faut être curieux au départ, ensuite il faut être patient et observateur. Il faut également aimer pratiquer des expériences parfois plutôt osées. Je te vois venir petit galopin.. Mdr.. Garder celle qui ont été concluantes et laisser tomber celles qui n’ont pas fonctionné. C’est un peu comme ça que j’ai cheminé depuis plus de trente ans. Je sais cheminer c’est un peu une déformation professionnelle. C’est normal je suis un cheminot à la retraite.. Hi Hi.. Merci Olivier pour ce partage écrit toujours avec humour.

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    1. Tiens, je vous aurais plutôt vu naître dans un Rhododendron ou un Hydrangea 😉 Et oui, le parcours habituel, on débute avec des graines sans trop savoir quoi en faire et puis… ça germe, ça pousse, ça fleurit, et on est définitivement mordu. La pente fatale… Je reste toujours fasciné pour ma part par les boutures, marcottes, … Je trouve ça dingue que d’un tout petit bout de branches, on puisse en faire… un arbre.

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  3. Dans les contes de fées il y a toujours des grands parcs avec d’immense arbres et comme toutes les petites filles (de l’époque) je rêvais d’être princesses, donc j’ai planté des arbres, des Cornus….je ne suis jamais devenue princesse mais une jardinière passionnée. Surtout continué de nous enchanter.

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  4. Bon, comme tu le sais, moi, ma passion, c’est plutôt la laine (passion contractée après avoir découvert l’intitulé du 1er prix d’un concours dans un magazine de tricot de ma maman : une petite ferme avec un troupeau de moutons. Le rêve ! A bien y réfléchir aujourd’hui, je me dis que mon souvenir doit être déformé parce qu’une ferme, même dans les années 70, c’est quand même un fameux 1er prix). Pour le jardin, je me souviens de mon papa qui cultivait… des haricots et du plaisir que j’avais à déterrer les patates de mon grand-père ( une vrai chasse au trésor). Hélas, depuis, mes tentatives jardinesques n’ont pas été très probantes. Sans doute en raison d’une tempérament un peu trop « dingue de contrôle ». Mais je ne désespère pas d’y remédier. La germination, ça m’éclate. Faut juste que je passe à l’étape suivante… Ne pas laisser cramer les plantules parce que j’aurais le temps de m’y atteler demain ou après-demain ou dimanche ou la semaine prochaine… si il fait beau, pas trop chaud et que j’ai terminé ce bouquin passionnant.

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    1. Bonjour Viviane, pour cela, moi qui suis fainéant et qui n’ai jamais le temps non plus, je vais te donner un conseil tout simple : ne plante ou ne sème plus que des plantes qui n’ont pas besoin de nous ! Exit, les trucs qu’il faut tailler, surveiller, soigner, chouchouter, câliner, … et bienvenue aux autres, celles qui se disent ‘tiens, el’gardinié y vint nous r’luquer ! Une fois l’an, c’est pas si mal…’ : les cornouillers ! et les plantes ultra-résistantes… qui ne sont pas toujours celles qu’ont croient d’ailleurs (certaines plantes un peu méconnues ou plus ou moins exotiques, une fois que tu leur as trouvé leurs places, c’est bon, elles se débrouillent). Et éviter celles qui poussent trop vite aussi… la flemme d’essayer de retrouver le sécateur…

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